« LUSO JORNAL » – n°210 – 18 mars 2015
Dominique Stoenesco
Um livro por semana
Un livre par semaine
“Mon cher cannibale”, de Antônio Torres
Dès les premières lignes de « Mon cher cannibale » (éd. Pétra, mars 2015, postface de Rita Olivieri-Godet et traduction de D. Stoenesco), l’auteur situe son récit et annonce son intention : « Il était une fois un Indien. C’était dans les années 1500, au siècle des grandes navigations – et des grands Indiens. Comme ils ne maîtrisaient pas l’écriture, il n’est resté de leur destin que des légendes. Le peu de choses que nous savons d’eux nous le devons aux récits souvent invraisemblables de ces Blancs, empreints d’exagération et de suspicion, un délire fou dont n’est pas exempt le narrateur qui vous parle (héritier du sang des premiers et des affabulations des seconds) et qui s’en va puiser aux sources d’antan, dans les vieux bouquins fleurant le romantisme tardif, pour s’exposer, torse nu, tel un néoromantique anachronique, aux piques de l’histoire officielle, cette vieille dame très digne, soumise ici aux retouches dictées par notre indignation. » Cet Indien est Cunhambebe, un cannibale de la tribu tupinamba, héros de la résistance indienne durant la colonisation portugaise au Brésil. Dans ce livre, le narrateur s’en va dans les pas des Indiens disparus, transportant abruptement le lecteur dans la contemporanéité et en établissant un parallèle entre les formes actuelles de violence et celles qui ont conduit au massacre des Amérindiens.
Antônio Torres est né en 1940, à Junco, petite ville du sertão, dans l’État de Bahia. À l’âge de 20 ans il part pour São Paulo exercer le journalisme, puis s’engage comme rédacteur publicitaire. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont onze romans, parmi lesquels « Cette terre » (1984), son grand succès, traduit en français et en une dizaine d’autres langues. En 1998, il reçoit du gouvernement français la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres et en 2013 il est élu à l’Académie Brésilienne des Lettres. Par sa diversité thématique et stylistique, il est l’un des auteurs les plus originaux de la littérature brésilienne contemporaine.