À propos de “Mon Cher Caniballe” Correio Braziliense – 18 de junho de 2000

À propos de “Mon Cher Caniballe” Correio Braziliense – 18 de junho de 2000

Milieu, fim et commencement
Hélio Meira de Sá

Au début, étaient les bois, les montagnes, les fleuves et les Indiens. La vision de paradis qui paraît en estampe sur la couvertyure du livre de Antônio Torres, Mon cher Cannibal anticipe un peu ce que le lecteur va trouver. Dans l’illustration de l’artiste graphique, Elcio Noguchi, un Indien, droit comme un I, se dresse en haut do Corcovado, brandissant un arc et visant, avec sa flèche, un paysage ou l’on découvre la Forêt Atlantique et le Pão de Açúcar, sans son invétiable tramways, et encore immaculée, la baie de Guanabara.

Le contraste entre ce paradis perdu, habité depuis les tous premiers temps par les Indiens Tamoios et le Rio de Janeiro actuel est l’axe central de ce récit. L’Indien Cunhambebe, chef de la tribu antropophage des tupinambás, surgit comme le protagoniste et le symbole d’un Brésil hégémoniquement indigène.

L’auteur se sert du langage de fiction comme instrument pour raconter, d’un côté, la période coloniale du XVI ème siècle et, surtout, la trempe guerrière de Cunhambebe “le cher cannibale” et son peuple. De l’autre, le narrateur, probable alter-ego de Antônio Torres, se penche en un exercice de métalangage, sur des livres crasseux, des vieux livres oubliés, dans un effort de reconstitution de “dates exactes, de noms corrects, de mythes et de fables” quelque peu machadien. Le distancement temporel du narrateur crée des situations optimales permettant d’interférer, dans les faits racontés, au moyen de commentaires enjoués ou de simulations de dialogues, avec les personnages dont il fait le portrait.

Le mot-clef employé tout au long du livre est “présumé”, qui alerte le lecteur sur l’imprécision et la subjectivité des récits choisis comme support documentaire. Ce sont des oeuvres de voyageurs écrivains qui vinrent ici, comme le français Henri Thévet ou le missionnaire calviniste, lui aussi français, Jean de Léry, révélant naturellement une option de l’auteur pour la lecture froncophone des épisodes. Il y a aussi l’omniprésent allemand Hans Staden, prisonniers des Indiens Tupinambas pendant neuf mois, qui heureusement a fuit les supplices des cannibales, et a pu léguer les premiers témoignages, écrits et illustrés, sur Cunhambebe. En effet, les témoignages avaient pour objectifs d’éveiller l’imaginaire européen sur une réalité lointaine, exotique et sauvage, utilisant, assez souvent, des moyens hyperboliques et l’invraisemblance.

La narration se structure en trois parties entrelacées et complémentaires. La première – le cannibale et les chrétiens – tourne autour de l’installation de la colonie française de Villegagnon, la France Antartique (1555-1559) dans la baie de Guanabara, un refuge calviniste en terres tupinambas. Talentueux conteur d’histoires, Antônio Torres montre les bonnes relations que Cunhambebe entretenait avec les Français (calvinistes, corsaires ou contrebandiers). Notre cannibale arriva à être reçu avec les honneurs de chef d’Etat dans l’enclave française, passant en revenue les soldats royalement alignés. Au contraire du “bon sauvage idyllique”, il se glorifiait du sang ennemi qui coulait dans ses veines, après avoir avalé un grand nombre d’ennemis, dont beaucoup étaient portugais et qu’il traitait de menteurs, traîtres et couards. Par ailleurs, un autre indice de ses préférences, l’auteur présente les Portugais hostiles, comme les jésuites José Anchieta et Manoel da Nóbrega qui avaient pour mission d’évangéliser les Indiens mais qui insidieusement portaient la croix dans uma mains et les armes dans l’autre. Réfractaires aux Portugais, les diverses tribus de la région, fondèrent une confédération des Tamoios pour les combattre, choisissant Cunhambebe comme chef suprême.

Déjà la seconde partie – No princípio Deus se chamava Monam – réunit la religion, les mythes et les croyances des Tupinambas. La mythologie payenne des Indiens Canibales fut supposément transmise par Cunhambebe au frère André Thevet. En accord avec la version de Thévet, les Tupinambas croyaient en l’existence d’un Dieu appelé Monam qui créa le ciel, la Terre et tout ce qui existait. Dans cette cosmogonie, il y a des références à un déluge ou à deux frères qui représentent le bien et le mal. Sous cet aspect; la ressemblance entre les passages bibliques et les mythes indiens est incroyable, surtout si l’on prend en compte que les Indiens vivaient isolés et qu’ils n’avaient pas encore eu de contacts avec les Blancs.

Dans la dernière partie, une espèce de making of du livre, le narrateur qui habite notre quartier contemporain de Copacabana, se rend à la ville de Angra dos Reis à la recherche de documents et des anciennes pistes des Indiens. C’est là, cepedant, que la prose de l’auteur de Essa Terra atteint as plénitude. Au milieu de souvenirs suscités par ses recherches, il observe un Rio chaotique, désordonné, installé sur le territoire qui fut autrefois des Tamoios, ville dont l’histoire de la construction et de développement a été réalisée au prix de l’exploitation et de la soumission des noirs et des indiens. Dans son voyage, il constate, in loco, que les descendants du guerrier Cunhambebe sont nichés dans une réserve aux environs de Angra dos Reis, chaussant de stong, formant une confédération des vaincus.

En s’essayant au genre de la fiction historique avec Mon cher Cannibale, Antônio Torres surprend ses lecteurs et ouvre de nouvelles voies pour son oeuvre. Il ne maintient fidèle, cepedant, à son stle de construction d’intrigues avec commencement, milieu et fin, pas nécessairement dans cet ordre, mais dans un récit déconcertant et sinueux. Son langage coule avec des phrases courtes et des mots précis, recourant fréquemment dans ce livre, à des expressions populaires qui, au lieu d’appauvrir le texte, contribuent à rendre le récit nplus alerte. Pour ce faire, il met à profit des citations reprises à d’autres écrivains ou même dans des chansons populaires. L’idée récurrente de la cannibalisation – l’anthropophagie explicite – imprime une légèreté ludique à son style. Au moment où l’on commémore les 500 ans de la découverte du Brésil, et où les survivants Indiens sont rejetés des manifestations officielles, Antônio Torres offre au lecteur le plaisir d’une lecture agréable et d’un sincère hommage à nos ancêtres.

Hélio Meira de Sá est diplômé en lettres de l’Université de Brasília.

L’Ecrivain des âmes “retirantes”*

Le bahianais Antônio Torres est, sans crainte de commettre une impropriété, l’un des grands talents de la littérature brésilienne contemporaine. Son oeuvre est l’écho d’un sertão* bahianais lointains et mythiqie. Il est bon de ne pas lui faire le crédit d’une teinte de littérature régionaliste.

Au contraire, en se plongeant dans des décors et des situations qui lui sont familières l’écrivain ne le fait pas avec le seul objectif de représenter la misère de la région, les conditions infrahumaines du Brésil rural, mais pour exposer comme destin inévitable, les misères de l’âme humaine. Ainsi en émigrant vers les grendes villes, à la recherche de meilleures conditions de vie, le nordestin se heurte aux écrasantes frustrations urbaines.

C’est justement sur ce point que l’oeuvre de Antônio Torres se différencie de celle des écrivains régionalistes comme Graciliano Ramos, José Américo de Almeida, José Lins do Rego et tant d’autres. Pour eux le retirante du sertão berçait sa longue marche de l’espoir d’une vie meilleure. Il y avait un désespoir qui se nourrissait de l’espoir. Ce n’est pas par hasard que Antônio Torres affirma dans une entrevue que “ce n’est pas la sécheresse qui expulse, mais la civilisation qui attire”. Elle attire, puis elle trahit. Ce drame semble être celui de Nelo, personnage de Essa Terra (Cette terre), publié en 197: il laisse as ville de Junco, dans l’intérieur de l’Etat de Bahia pour aller à São Paulo, et revient pour se perndre dans les cordes d’un filet.

Ecrivain ingénieux, son stle est marqué par un récit entrecoupé, formés de fragments incogérents, morceaux de mosaïque. C’est au lecteur que revient la tâche de réordonner le tout de façon harmonieuse et logique. L’important, dans sa vision d’écriture littéraire, n’est pas de créer une histoire linéaire, comme il faut, avec un commencement, un milieu et une fin, mais une histoire “qui, dans cette fin, doit se terminer avec un commencement, un milieu et une fin”.

Journaliste et rédacteur publicitaire, ses contes et ses nouvelles ont été traduits dans divers pays. Essa Terra, son oeuvre la plus connue, a été traduite en allemand, français, anglais et hébreux.

Il débuta en 1972 avec Um cão uivando para a lua, qui réunit les éloges de la critique et un prix pour un auteur débutant. Hardi, à la recherche permanente de nouvelles formes de récit, le lancement de Meu querido Canibal ouvre de nouvelles perspectives thématiques, peut-être déjà annoncées dans Um táxi para Viena de Áustria, lancé en 1991. (HMS)

* retirante: nom que l’on donne aux paysans de l’intérieur nord-est du Brésil qui, pour fuir la sécheresse, quittent leur région pour aller chercher du travail ailleurs, surtour dans les villes.

* sertão: nom donné à l’intérieur sec du Brésil, notamment dans le nordeste du Brésil, souvent ravagé par de longue période de sécheresse.

Traduction: Solange Parvaux

“Cette Terre”: un hymne douloureux au Nord-Est brésilien– EST Republicain – 3/5/84

– EST Republicain – 3/5/84

“Cette Terre”: un hymne douloureux au Nord-Est brésilien

Méconnue du grand publle en France, la littérature contemporaine-latino-américaine possède en Lorralne un ardent promoteur, Jacques Thiériot, directeur des Prémontrés, fort d’une connaissance profonde de la culture et de la langue brésiliennes, en raison d’une oeuvre consacrée au Nord-Est brésilien.

Le roman, qui s’intitule “Cette Terre”, surprendra par ses accents parfois céliniens.  La misère humaine, sous ses múltiples formes, y est décrite avec un réalisme brutal par un auteur, /ãgé de 44 ans, publicitaire et journaliste, Antonio Torres, considéré actuellement dans son pays comme un des meilleurs écrivains de as génération.

“Un patelin de pisé”

Le cadre de ce récit, court mais dense, c’est le “Junco”, une terre dont Torres est originaire, ravagée par la sécheresse et la pauvreté. Un coup de projecteur a d’ailleurs été donné récemment sur la détresse de ses habitants qui attendaient depuis des mois la pluie salvatrice. Elle est, parait-il, enfin arrivée em avril.

Le narrateur, Totonhim, qui s’exprime à la première personne, parle em te sens “d’un patelin de pisé, hourdis, tulle et chaux, qui n’a vraiment pas changé”.”Nos aieux avalent beaucoup de paturares, nos pères peu de paturages et nous, nous n’em avons plus du tout”.

Dans ce décor où la malédiction semble peser perpétuellement sur une population de paysans résignée mais farouche, est à nu, sans la moindre complaisance, l’évolution en vingt années d’une famille de douze enfants, déchirée par ses contradictions, ses haines et ses désirs.

Le passé et le présent s’entrechoquent dans une sorte de frénésie troublante soutenue par un style haché, un vocabulaire souvent cru, un ton fréquemment proche du délire, qui ne rendent pas toujours la lecture des plus aisées, Le témoignage se révéle em tout cas enrichissant tant par l’originalité de la forme que par la puissance du thème.

“Dépêche-toi de grandir pour aller à Sao Paulo”

Au Junco, on vit dans la hantise du lendemain, parce que rien ne permet d’espérer la moindre amélioration. Le souhait de tous: “de l’argent, de l’argent, de l’argent”. “Dépêche-toi de grandir, mon petit, pour sller à Sao Paulo, disent les pères à leurs fils. La ville lointaine est, en effet, synonyme de richesse.

L’ainé de la famille, Nélo, y est ainsi parti et em revient, un jour, apparemment seulement ruiné, dans tous les sens du terme. Abandonné par sa femme, effondré psychiquement, il se pend quelques jours après son retour. C’est l’occasion pour son fère cadet de tirer les leçons du passé.

Et un extraordinaire cortège de personnages, hauts en couleur, se met alors à défiler: il y a Alcino le Félé, un maniaque d’anathèmes lancés à la porte de l’église, la risée de ses concitoyens à cause de sa malformation sexuelle dont la monstruosité a fait fuir sa femme la nuit mème de ses noces, Pedro Infante, le louche patron du bistrot, le sergent de police toujours prét à abuser de ses pouvoirs, Zé le pharmacien à la compétence professionnelle des plus douteuses. Et sutout émergent d’une manière saisissante les portraits du pére et da la mère, qui se sont séparés après d’interminables années de disputes.

La solidarité malgré tout

Le père possédait jadis une petite plantation de sisal. Endetté par les préts bancaires, il a tout perdu et s’est expatrié, son tour. A travers lui, Totonhim rend hommage au travail manuel: “la meilleure plume du monde, c’est le mancho d’une houe”. La mère, elle, rendue folle par le suicide de son ainé, finira à l’asile.

Bref, tout semble désespérant dans cette histoire où règnent la lâcheté, la dérision malsaine, le mépris constant de l’humanité. “Nous avons même peur de nos ombres qui rampent comme des serpents sous la faible lumière des ampoules. Des vingt-cinq bougies, nous sommes trop pauvres pour em acheter des plus fortes”. “Sur cette terre, les vivants ne dorment pas, et les morts ne reposent pas en paix. “ On tient uniquement le coup grâce à l’alcool du cru, la “cachaça”!

Et cependant, de temps à autre, s’allument de petites lueurs de foi dans la valeur de l’homme. “La solidarité humaine, elle existe, oui. Du moment qu’on connait quelqu’un em condition de l’offrir. Em tout cas, dans nos contrées, ç’a toujours été comme ça. Em fait, ce serait plutót un échange de services”. Tout n’est done pas entièrement pessimiste dans cet hymne douloureux, à la rudesse étonnante mais qui ne manque pas de beauté.

Gerard Gerome

– “Cette Terre” publié aux éditions A.M Métailié. Diffusion par les Presses universitaires de France.

La literatura de Antonio Torres – Expresso, Lima / Peru, Viernes, 31 de Enero de 1997

Expresso, Lima / Peru
Viernes, 31 de Enero de 1997

La literatura de Antonio Torres

Bahiano y escritor, ¿les suena esa combinación? Pues en este caso es para referirmos a Antônio Torres (1940), escritor brasileño con siete novelas em su haber (entre ellas Un perro aullando a la Luna, Un taxi de Austria a Viena, Adiós viejo y Essa Terra, traducida al español en Argetina) y que hoy causa revuelo en Río com el libro Centro de nuestras desatenciones. EXPRESO, más que conversar con él, pues lo escuchó.

“Comienzo dentro de una generación que, despunta en los años setenta, durante la época de la dictadura militar, es por eso que nuestra obra está muy marcada por la política y la realidad social brasileña”, cuenta Antônio.

Sin embaro, fue desde muy pequeño que sus inclinaciones empezaron a aflorar. La maestra le daba libros para leer cuando notó sus inquietudes y las personas que no sabían escribir le pedían que redactara cartas de amor. ¿ El pago ? Dulces, caramelos… “fueron los derechos de autor más dulces de mi vida”, bromea.

Las publicaciones llegaron mucho después. Antes fueron los viajes, el contacto con la gente y el vivir un poco.

>Más tarde, un rosto, un recuerdo, una “saudade”, serían motivos de una pluna que aún no se agota. “La inspiración aparece cuando mones la espero, a veces paso mucho tiempo sin escribir, y de pronto un sueño me revela algo y nace una novela. Es cuando mi subconsciente trabaja”, confiesa el escritor bahiano.

Sus historias son construidas cual rompecabezas, están llenas de momentos narrativos inconexos que de pronto se juntan para formar una historia completa, armoniosa y lógica. Ellas reflejan una realidad que nos come los pies y que no por eso se restringe a una determinada zona, sino que se proyecta más allá del texto. “En la mayoría de mis libros trato de mostrar las condiciones infrahumanas en las que vive gran parte de la población del Brasil, el inevitable éxodo a las grandes ciudades, la fe, las esperanzas y los dramas de mi gente”, cuenta.

Meticuloso, atento, Torres siempre está a la búsqueda del lenguaje perfecto y, sobre todo, adecuado. “Reescribir y limpiar el lenguaje es algo importante. También es preciso renovarse. Hoy no puedo escribir con la óptica que tênia em los años setenta, el mundo es outro , há cambiado. La vida social ha passado por diferentes fases; cambió la manera de ver las cosas y mi discurso ficcional también lo fue haciendo com el tiempo. Tengo que reciclar, y la literatura tiene que acompañar eso”, afirma el escritor.

El tiempo passa, sus libros siguen publicándose, aunque ya más espaciados, y la crítica lo favorece. No se puede pedir más. Hoy, com un trabajo maduro, Antônio Torres prepara una nueva novela. (P. Miglio, desde Río de Janeiro)

Lament for the Baccklands – Interview, South August 1987

Interview
South August 1987

LAMENT FOR THE BACCKLANDS

Antonio Torres, like Jorge Amado, has roots firmly established in Brazil’s northeast, where his novel The Land is set.

“It was a sad story, for 80 per cent of the population has migrated to São Paulo this year – just like in the book, “ he says.

Migration is a problem in Brazil because of the drought. It was very dry when I went there. People were queueing up to buy tickets to São Paulo. They had to wait for four months for a seat on the coach.

This is one of Brazil’s serious problems – the lack of a policy of integration to keep peasants in rural areas. There is no real concern.

I was born in this small village and went to school in a town nearby. At 18, I went on to Salvador, the capital of Bahia, to work for a newspaper.”

Why was it that the best Brazilian authors came from the north? “ It is a question of tradition. We northerners are deeply influenced by the early days of brazilian history. Iberian influences are very powerful in the north – minstrels, singers, folk poetry.

“I grew up listenin to stories sung in verses, which in my part of the world are called the ABC of the Backlands, or rhymance. It is a romance, a rhyming novel.

“Scholars call it Literatura de cordel (string literature) because the leaflets are suspended from strings in  stalls at market fairs. They are folk tales, very popular; people learn them, repeat the and sing them from one generation to the next.

“I grew up in that kind of atmosphere, in a world cut off from civilisation, just like the world described by a singer who is very popular in the northeast, Luis Gonzaga, the king of baiao.

“He used to sing a song about a place where there was neither radio nor news from the more civilised lands. This has a lot of meaning for me because I was born in such a place. It was a place that had to make up a great deal of fiction in order to recreate is own life. Where nothing much happens, people create things.”

Why was it that northern Brazil, so rich in culture, history, literary tradition, music, mythology and song, was not integrated into the more central parts of the country so that the area could improve economically and achieve a higher standard of living?

“This is indeed amazing, especially considering that our President comes from the northeast.

“I believe Brazil has a very serious problem of centralisation. There is a very high degree of centralisation in the central and southern parts of the country – an economic centralisation.

“On top of this, the northeast has a serious problem of its own – rural oligarchies. There are men of great power, thanks to the lands they own, men who, even though they now live in the cities, acquired their wealth in the farms.

“I think they are small-minded, old-fashioned men who practise an old-fashioned from of capitalism. That is why the northeast cannot develop. Power is concentrated in the hands of a few men who are not willing to share it, to delegate it.

“The Brasil of today is country which resembles Europe and the US in many aspects. There are some highly developed and tecnologically advanced areas, and also vast areas dotted with pockets of poverty.

“This conflic tseems to me be behind the main issue in Brazil at the moment – the need for an internal system of equilibrium between those areas. I’m not sure I’ll live long enough to see the country achieve this equilibrium, for there are also serious regional problems.”

The Big Ambush by Jorge Amado ( Souvenir Press, UK)

The Land by Antonio Torres (Readers International, UK)

L’enfance à rebrousse-poil – Le Soir (Bruxelles), 13 déc 2000.

Le Soir (Bruxelles)
 – 13 déc 2000

L’enfance à rebrousse-poil

“Chien et loup”, de Torres, un roman témoin de la vigeur des lettres brésiliennes

Pascale Haubruge

Retour d’un fils au pays. São Paulo l’a pris, comme d’autres avant lui. Vingt ans qu’il est parti tenter sa chance à la ville. Et le revoilà chez lui, dans ce village du Nordeste où, comme le veut la coutume, son cordon ombilical a été enterré juste aprés as naissance.

C’est lá qu’il a grandi, est tombé sous le charme de la coquine Ines, a regardé le soleil se coucher soir après soir sans s’en lasser jamais. N’empêche, il a quitté ce coin de terre cher aux siens, s’est eloigné d’une mère, d’un père, du monde connu. Pourquoi a-t-il attendu vingt ans pour revenir? Pourquoi a-t-il fallu le coup de téléphone d’une soeur pour qu’il vienne fêter les quatre-vingt ans du père? Le héros de “Chien et loup” est ce fils de retour. Pas vraiment l’enfant prodigue. A d’autres le rôle du fils de légende. Et par exemple à son ainé, Nelo le pendu, revenu de la ville jadis pour se suicider sans délai dans la maison de son enfance.  Tontonhim a peur de l’ombre du cher disparu. Il revient parmi les vivants avec des morts en tête.

La mort rôde entre chien et loup dans “ Chien et loup”. Mais pas en ennemie. En compagne plutôt. En invitée des rêves. Em complice de la terre, du ciel et de la pluie. En habituée discrète des fêtes du Nordeste. Le village natal de Tontonhim semble plus près de l’éternité que bien des villes à lumières.

Au point que le quadragénaire se demande si tout le monde ne se serait pas mort par hasard dans cette histoire de fous qui semble être la sienne. Mortes, les rues du village. Morts, les amis de jadis. Morts les clients somnolents de l’èpicerie-buvette. Lui et son père seraient-ils les seuls vivants du coin?

Antonio Torres nous invite a partager les peurs, songes et souvenirs de son héros Tontonhim. On rentre avec ce dernierau pays de l’enface. On parcourt avec lui, à rebrousse-poil, les chemins d’un passé un peu plus nôtre à chaque page. On l’entend penser – à son âge, à sa femme, à son travail instable à la banque du Brésil. On le surprend à parler avec ses fantômes. On perçoit le bruit doux que font en lui les retrouvailles avec l’homme impossible qui lui sert de père.

Références et hommages discrets à quelques grands de la littérature du Brésil, airs de boléro fredonnés, souvenirs de l’ancêtre portugais qui traversa les mers et choisit son épouse parmi les belles de la forêt… “Entre chien et loup” est bien un roman brésilien.

Antonio Torres y veille, sans jouer pour autant les rédacteurs de dépliants touristiques. Son récit s’ancre en profondeur, mais avec légèreté dans une terre aride à la mémoire vive. Et c’est un plaisir d’entrer dans le monde qu’il nous partage – où la religiosité des Indiens se marie aux rires et rites d’hommes et de femmes ne lesinant pas sur la bouteille.

Fêtes et conversations intimes, humour tendre, regard de poète posé sur les choses, les êtres et les histoires, saisie des folies et sagesses brésilennes… “Chien et loup” nous prend dans ses charmes latinos au gré de phrases tristes et gaies racontant le Brésil, l’amour, les racines, l’enfance et d’autres rêves – comme l’aube la plus belle du monde, um coucher de soleil qui n’en finit pas ou l’apprentissage du désir.

“J’ai marché sur une route qui n’existe plus, en regardant des pâtures et des maisons qui n’existent plus non plus. Ça prend du temps de faire ce genre de promenage, s’excuse le fils au retour d’une balade qui le fait rentrer plus tard que prévu. Du temps perdu, répond le père. Et Tontonhim de le détromper: J’ai essayé d’imaginer comment c’était avant, comment ça s’est passé”.

Compris, le vieux? Compris, lecteur? L’imaginaire a le pouvoir de reconstruire l’impensé, l’impossible, le passé, et dès lors d’ouvrir l’avenir à d’autres réalités. Antonio Torres le prouve, en poète, dans “ Chien et loup”. Um roman témoin de la vigueur des lettres brésiliennes contemporaines.

Traduit du brésilien por Cécile Tricoire, Phébus, 223 pp.

Postmodernism, Brazilian-Style

Los Angeles Times
Translate by John Parker

Postmodernism, Brazilian-Style

Born in a small dusty town in the state of Bahia, in northeastern Brazil, Antonio Torres made the voyage – as did millions of his countrymen – from rural agricultural disaster to the pandemonium of the industrial south.

The migration of the Brazilian poor has been a principal theme of the Brazilian novel. Writers of the 1930s – Jorge Amado, Graciliano Ramos, Rachel de Queiroz – focused on the injustice, exploitation and hardships of the farm worker at the mercy of cruel land-owners and unpredictable climatic conditions.

Ramos novel “Vidas Secas” (Barren Lives) is a classically austere neorealist text of this period. The tradition of politically engaging novels emerged again in 1956 with “Grande Sertão: Veredas” (the Devil to Pay in the Backlands) and “corpo de Baile” (corps de Ballet) by guimaraes Rosa. This was the era of the “new fiction,” bossa nova, the World Cup soccer championship, Cinema Novo, Postmodernismo Brazilian-style.

Art reflected politics, and in the middle of the 1960s, under extremely repressive military rule, Brazilian novelists changed their literary strategies and communicated their political and social concerns in cryptic literary constructs. Allegorical narrative discourse, magical realism and the fantastic became the modes of literary expression. Antônio Torres was intellectually nurtured by these writers as well as others like Clarice Lispector, Luis Vilela and Antonio Collado.

John Parker’s praiseworthy translation is accompanied by an equally laudable, culturally penetrating introduction in which he writes, “Antonio Torres sees his generation as heir to the ethical position of Amado , Ramos and others, in facing and questioning Brazil’s most pressing national problems, bridging the gap with the ‘30s after a lengthy period during which the majority of writers had turned their attention to the psychological concerns of the individual and to experimenting with the aesthetic claims of fictional form.”

Along with the conviction and enthusiasm of the political novel. Torres inherited the narrative techniques of European, North American and Latin American modernists along with the great oral traditions of Brazil. These literary traditions, coupled with personal experience, have resulted in three Torres novels: “Um cão Univando Para a Lau” (A Hound Baying at the Moon, 1972), “Essa Terra” (the Land, 1976)) and “Balada da Infancia Perdida” (Blues for a Lost Childhood, 1986).

In the latter, Torres limns the northeast-erner’s view of the industril cities – Rio de Janeiro, São Paulo, Salvador. The reader follows the nightmarish, confusing thoughts brought on by a horrible hangover suffered by Torres’ nameless narrator, who struggles to banish painful memories and lose himself in sleep. “Blues” invites the reader to participate in the creation of the text and thereby understand the fragmented vision of the world.

As the narrator tosses and turns, visions appear, voices and sounds invade his mind, as well as ghosts of his childhood: “Lost souls, wandering creatures: Come to me. You have nothing to lose. You are masters of your own time. The worst is, a relative never comes alone. My mother will be accompanied by my Aunt /madalena, her good sister, the kindly soul who brought me up for a time. And heaven knows how many hangers-on.”

He recalls his father who abandoned the family: “That man is as far away as that time. And he is doubtless still alive and well preserved – in spirit. And, to judge from the hour, he’ll sill be asleep, and I would give anything to know what he’s dreaming about. The wife God carried off centuries ago, amen? The children swept away in life’s torrent? Even so, I could swear he he does dream. My father. Poppa. The old boy: alone and forgotten in the silence of a hovel, stuck in a futureless gully.”

Memories of his mother reveal devastating hardship, “One every year. How can woman bear one after another until she reaches the round sum of two dozen? Two dozen people, a nest full, like they were chickens. Give birth, bear and go on bearing until she dies. Giving birth”. And his Aunt Madalena: “…you can be absolutely sure that I have never forgotten you, you who were a mother to me.  You brought me up, sent me to school, even sewed the occasional button on my shirts.”

The narrator’s greatest haunting is by Calunga: Carlos Luna Gama, his cousin, whom he loved like a brother and mentor.  The memories of life with Calunga dominate the novel. From Calunga’s first appearance to the narrator’s hellish hangover, Torres skillfully interweaves 30 years of Brazilian history. Though these characters, Torres has created a composite life experience of the before and after of the northeasterner’s migration to the big cities.

Torres creates a collage of Brazilian life from the popular culture of everyday life, snippets of daily newspapers and the media, popular songs and even the Brazilian national anthem. His novel is a superb example of hybridization of genres manifested in a text that draws from popular oral narrative forms, traditional songs and lullabies, and world literary tradition. The nameless narrator is well read, citing Baudelaire, Scott Fitzgerald, Federico García Lorca, Proust.

“Blues for a Lost Childhood” is also a text of cultural hybridization, a 500-year cultural struggle against Western popular culture represented by Coca-Cola, McDonald’s, the CIA. The American way of life subverts and finally destroys Calunga, who had resisted almost to the end.

According to Parker, Calunga is “perhaps a way of insinuating that, despite his qualities, Calunga didn’t have a chance, because of his socio-cultural inheritance; or, maybe, that his supreme quality, in his creator’s eyes, his refusal to make concessions to the estreme from of capitalism imposed on a developing nation by its own armed forces on behalf of foreign masters, inevitably led to his being crushed and forced back to his native Bahia to die.”

“Blues for a Lost Childhood” is a novel that must be read, an intellectually demanding political, social and literary creation, a novel of psychological depth, remarkable imagery and tragic, absurd beauty.

Torres novel is a challenge; nonetheless it offers a wonderful opportunity to learn about a people, about a culture that knows so much more about us than we know about them.

Highlights

“One of the finest writers of contemporary Brazil”World Literature Today

“Sus historias son construidas cual rompecabezas, están llenas de momentos narrativos inconexos que de pronto se juntan para formar una historia completa, armoniosa y lógica. Ellas reflejan una realidad que nos come los pies y que no por eso se restringe a una determinada zona, sino que se proyecta más allá del texto” Expresso (Lima/Peru)

“Lisez donc Antônio Torres, il est très bien ce monsieur là”Jorge Amado/ Le Monde

AboutThe Land:

“I very much admire the irony, the warmth, and style of The Land, which so brilliantly describes poor people in a village whose life is leaving it.”Doris Lessing

“ Tears at you like an early Buñuel movie”The Observer

“An almost classic account of notoriously poor area of its author´s birth.The Financial Times

“Full of the unanswered questions of a third world country in transition”Publishers Weekly

“Vivid, moving and explosive” San Francisco Examiner

“Melodic prose” – Kirkus Reviews

About Blues for a Lost Childhood:

Blues for a Lost Childhood is a novel that must be read, an intellectually demanding political, social and literary creation, a novel of psychological depth, remarkable imagery and tragic, absurd beauty” – Los Angeles Times

“ Torres succeeds brilliantly in orchestrating the narrator´s visions, memories, lullabies, poetry and dialogues with lost relatives into cohesive whole”Publishers Weekly

“His novel is also a brilliant and cutting commentary on the rulling interests of the country that be loves, and a vindication of the ordinary Brazilian people who struggle to inherit their own land history”Morning Star (London)

En Français

A propos de Cette Terre:

Cette Terre vaut par son analyse fine, que élargit les frontières du régionalisme pour mettre à nu les relations complexes entre le Nordeste et le sud du Brésil. Ni thèse ni pamphlet, le roman tisse les liens retors de cette intregue qui confronte deux cultures.” Le Monde

“ Un hymne douloureux au Nord-Est brésilien, mais qui ne manque pas de beauté”Est Républicain

“ Antônio Torres n´a apporte pas seulement un témoignage supplementaire sur les oubliés du Sertão. Il se veut le porte-parole de toute une population qui s´efforce obstinément de survivre parmi le bruit et la fureur d´une terre en transe.” Libération

“ Un récit qui peut surprendre par l´insolite des situations évoqués”L´Humanité

“ Pour Antônio Torres, entre le fantasme et le réel, il y l´espace de l´écriture”La Croix

“ Un livre bouleversant et remarquablement construit”La Quinzaine Littéraire

Un taxi pour Vienne d’Autriche:

“ Ne à Bahia, marqué à jamais par le sertão, Antônio Torres écrit la fascination des villes-labyrinthes, Vienne ou Rio dans ‘Un taxi pour Vienne d’Autriche’”. Le Nouvel Observateur

Chien et Loup:

“ Miracle ambigu de la littérature”. Le Nouvel Observateur

“ Chien et Loup est un roman attachant et déroutant. Son univers étrange, mineral, aride, se joue des countraires, et raconte le fosse que déchire le Brésil : au sud, le monde urbain, moderne, combatif; à l’opposé , l’univers rural, superstitieux et figé du Nordeste”. Telérama

“ Antônio Torres se penche avec beaucoup d’humanité sur cette population oubliée du Nordeste brésillien que n’a pas cede à l’attraction des grandes métropolis. Entre les antennes paraboliques et les traditions, entre les soap operas et les mystiques. Entre chien et loup”. L’Humanité

“ Un roman témoin de la vigueur des lettres brésilliennes comtemporaines”. Le Soir (Bruxelles)

“ Antônio Torres, l’un des maitres de la nouvelle littérature brésilienne, signe avec Chien et Loup un roman tout en nuances et en ambiguités”. Le Temps (Genève)

Le Coup De Cceur De Frédéric Vitoux, Retour à Bahia – Le Nouvel Observateur, 26 oct 2000

Le Coup De Cceur De Frédéric Vitoux
Retour à Bahia

Limmense Nordeste brésilien avec sa pauvreté, sa violence, sa truculence et sa magie semble indissolublent lié à l’oeuvre romanesque de Jorge Amado ou à certains films du défunt cinéma novo comme “ le Dieu noir et le Diable blond”, de Glauber Rocha. Du coup, íl nous parait presque irréel, ce Nordeste, sous la plume d’Antonio Torres.

Après vingt ans d’absence, un fils qui a trouvé un emploi salarié dans une banque de Sao Paulo revient au pays pour feter les quatre-vingts ans de son père qui vit seul dans un village perdu. Ce n’était pas une mince affaire de le quitter autrefois, ce village. A pied ou à cheval par une route terreuse pour gagnet une bourgade. Puis l’attente, lá-bas, d’un transport motorisé vers une gare lointaine, l’arrivée à Salvador de Bahia, et, au bas mot, sept jours encore de train, sans compter les déraillements, pour atteindre Sao Paulo. Le fils, lui, est revenu en deux jours. L’avion, la voiture, des routes goudronnées. Et voilà au fond l’essentiel. S’il n’y a pas de folie littéraire chez Antonio Torres, c’est parce qu’il a emprunté l’avion, la voiture et des routes goudronnées. Parce qu’il n’est pas, en somme, de la génération de Jorge Amado ou Glauber Rocha. “chien et loup” joue precisément de ce décalage. Avec une tendresse et une fidélité mélancolique et désolée aux paysages d’enfance du narrateur. Où rien n’a changé. Où tout a changé. Où la jolie petite fille blonde de la cour de récréation est devenue une sensuelle maitresse d’école. Où des paraboles bourgeonnent sur les toits des maisons. Où pourtant tout semble encore immobile. Entre chien et loup. Miracle ambigu de la littérature.

“Chien et loup”, par Antonio Torres, traduit du brésilien par Cécile Tricoire, Phébus, 216p., 119 F.

“Une générarion dont I’esprit s’est éveillé au contact des écrivains nord-américains”

La Quinzaine Littéraire, nº 486 – Paris, 1987
Cécile Tricoire s’ entretient avec Antonio Torres

“Une générarion dont I’esprit s’est éveillé au contact des écrivains nord-américains”

Auteur d’un livre bouleversant et remarquablement construit, Cette Terre, Antonio Torres nos dit ici ses affinités littéraires, son métier et le rapport particulier qui lie l’ écrivain brésilien à notre pays.

Antônio Torres – Venant d’une région du Nordeste, le sertao de Bahia, je ne peux nier mes affinités littéraires avec le roman des années 30, celui de Jorge Amado, Graciliano Ramos, Jose Lins do Rego et Raquel de Queiroz. J’étais très jeune Iorsque j’ai découvert I’couvre de Guimaraes Rosa et, tout de suite, je me suis identifié à son univers linguistique, univers qui n’est autre que la langue de mon enfance. Guimaraes Roasa a su recréer sur le plan littéraire, de manière absolument magistrale, la langue du peuple rural brésilien.

J’ai subi d’autres influences comme celle de Clarice Lispector qui a poussé  l’introspection à un degré rarement atteint dans la littérature brésilienne. Cette descente à l’intérieur de soi n’est pas sans rappeler bien sur Machado de Assis, mais le voyage de Clarice Lispector dans les souterrains de la subjectivité, est à mon sens un voyage-limite. Clarice Lispector est sans conteste un des plus grands écrivains contemporains. On a coutume de la comparer à Virginia Woolf, mais j’ai le sentiment quant à moi que Clarice va encore au-delà.

La génération d’écrivains proches de moi, comme Autran Dourado, José J. Veiga, Antonio Callado, Lygia Fagundes Telles par exemple, précède  de peu les gens de ma génération : Joao Antonio, Joao Ubaldo Ribeiro, Ivan Angelo, Ignácio de Loyola Brandão, Raduan Nassar, Nelida Pinon, Silviano Santiago. On peut dire de tous ceux-là qu’ils sont, comme moi, soucieux de questions formelles, de conquêtes formelles : la technique narrative nous importe tout autant, sinon plus, que la simple narration. On peut ranger ce souci au rang des “savoir-faire littéraires”, expression qui ne me satisfait pas beaucoup, mais je crois que c’est plus profond. Mes livres sont un exemple de cette recherche, de cette quéte. Ils sont “maigres”, non pas parce que j’écris peu, mais bien pour la raison inverse : j’écris beaucoup pour arriver à peu, et j’essaie de dire beaucoup à partir de ce peu. Je réécris beaucoup plus que je n’écris. Mon intention est celle de l’artisan que à force de travail fait dire aux mots plus qu’ils n’ont coutume de dire. Ce travail de polysémie, d’ambivalence, on le trouve d’un manière fantastique dans les textes de Machado de Assis et de Clarice Lispector.

C.T.  – D’où vous vient ce sens de l’économie du texte ?

A.T.  – Probablement de mon métier de publicitaire : je suis obligé de créer quotidiennement des histoires qui durent de 15 à 30 secondes, pour la radio ou la tèlévision, où tout est dit en deux ou trois lignes. J’ai un certain entrainement à la synthèse. Le journalisme aussi m’a servi : saisir très rapidement ce qui se passe et le dire tout aussi rapidement. Mais c’est encore plus contraignant dans la publicité : quand mon texte est une dénonciation, par exemple, il emprunte la violence du langage publicitaire mais, je dirais, subverti. Que vend la publicité ? Le bonheur en conserve. Le roman, lui, rompt l’emballage et révèle l’envers de l’afficho.

C.T.  – Quels sont les écrivains français qui vous ont marqué ?

A.T.  –  Je ne connais pas bien la littérature française : les auteurs que j’aime sont Jean-Paul Sartre, Stendhal – ah, Le Rouge et la Noir! – Mais aussi Boris Vian et son langage poétique et quotidien dans L’Ecume des jours. J’ai envie de lire Marguerite Duras – La Douleur, l’Amant – et Nathalie Sarraute, même si je dois pour cela vaincre mès idées toutes faites sur le nouveau roman français.

Surtout, je crois que j’appartiens à une génération dont l’esprit s’est éveilléau contact des écrivains nord-américains. Bien sûr, je rêvais comme tout le monde de m’asseoir au Café de Flore, mais c’était pour y voir Fitzgeraid, Hemingway ou Henry Miller. Le Paris qui était dans mês rêves d’adolescent provincial brésilien nous arrivait à travers le regard des Américains. Certes, Sartre et Camus nous ont marqués, leur existentialisme était pour nous un novel humanisme. Mais nous avons surtout ressenti cette fascination pour la littérature américaine : était-ce un simple volet de la puissance qu’exerçaient les Américains sur tout le continent, au lendemain de la seconde guerra mondiale? L’influence de leur cinéma, de leur musique? Sans doute tout cela à la fois, mais c’est encore beaucoup plus un phénomène bien particulier de la littérature américaine de l’époque : à savoir la découverte qu’elle fait d’elle-même. C’est une littérature qui rompt avec l’Europe et trouve son prope chemin intérieur à travers sa propre géographie. Ceci nous a beaucoup attirés et concernés : le Brésil est presque aussi grand que les Etats-Unis. Je me sens moi-même un écrivain très brésillian, enraciné : mes racines sont la matière même de ma création.

Avant d’écrire Cette Terre par exemple, j’ai fait deux longs voyages en l’espace d’une année dans l’intérieur de l’Etat de Bahia. Il y avait là bas un homme sur lequel je désirais m’informer, mais personne ne voulait m’en parler, un homme qui était revenu un jour de Sao Paulo dans son village, et qui s’était tué. Personne n’a voulu m’en parler parce que la mort de cet homme a tué le rêve local: partir. A l’époque j’ai eu l’impression d’un échec, l’impression que jamais je n’arriverais à écrire ce livre. Jusqu’au jour ou je me suis rendu compte que, au contraire le fait de n’avoir obtenu aucune information concrète sur cet homme avait été décisif : j’avais été forcé de créer un roman. Mes allées et venues dans cette région ont servi de substrat à ce roman, même si elles n’y apparaissent pas explicitement.

Dans le Brésil rural de mon enfance, la musique tenait une très grande place: celle en particulier des conteurs de foire, ces aveugles qui, le chapeau à la main, chantaient “alegre sua alegria de tristeza”, jusqu’á l’apparition de la samba urbaine et des formes les plus récentes et les plus révolutionnaires de la musique populaire brésilienne, celle de Chico Buarque, Caetano Veloso, Paulinho da Viola, etc.

Le jazz negro-américain aussi a marqué profondément mon écriture. Lorsque j’écoute du jazz, mon oreille intègre la notion de rythme d’une phrase: Monk, Miles Davis sont des musiciens de génie. Le son de Miles Davis arrache quelque chose en moi de très profond. Je voudrais no faire qu’un avec le clavier  de ma machine à écrire, comme ce musicien fait corps avec sa trompette.

C.T.  – Qu’est-ce que cela reprèsente pour vous cet accueil à Paris?

A.T.  – Cela représente énormément: tout d’abord la chance d’être lu, et c’est la plus grande joie de l’écrivain. Et puis peut-être l’espoir que le Brésil ne soit plus vu seulement à travers des images caricaturales: Pelé, samba, carnaval, cachaça, café… La littérature brésilienne peut donner en France une idée moins sommaire et plus juste de notre pays.

Je confesse qu’on m’a plusieurs fois invité aux Etats-Unis, à Moscou, ailleurs, et que je n’ai pas fait beaucoup d’efforts pour y aller. Mais si l’on m’invite à Paris, ma valise est prête le jour-même. Je me sens bien ici. Cette attirance que nous avons pour la France n’est pas toujours payée de retour, mais peu importe. Et comme le dit Caetano Velosso:

“Caretas de Paris a New York
Sem magoas estamos ai”.
(Bien pensants de Paris et New York
Nous voilà, sans rancune).